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Qu’appelle-t-on douance ?

Génie, surdoué, zèbre, talentueux, ces termes désignent tous un individu qui possède un haut potentiel intellectuel. Mais alors, qu’est-ce qui se cache réellement derrière les concepts d’intelligence et de douance ? Une chose est sûre, comprendre leur enjeu permet à la fois d’accéder à son propre mode d’emploi, mais également de pouvoir relire son histoire avec un regard différent.

Tout savoir sur la douance

Si l’évaluation de l’intelligence reste encore à ce jour le principal indicateur de la douance, il est crucial de comprendre qu’il existe différentes qualités intellectuelles, que l’intelligence se définit par différentes formes et différentes habiletés. C’est donc à partir de ce postulat que nous allons voir les points suivants :

  1. Qu’est-ce que la douance ?
  2. Existe-t-il une cartographie du surdoué ?
  3. Comment détecter la douance ?
  4. Où en est la France au sujet de la douance ?
  5. Quelle différence entre douance, hypersensibilité, autisme ?
  6. La douance chez les femmes : les particularités
  7. Le zèbre est-il à la mode ?

Qu’est-ce que la douance ?

S’il existe une définition de la douance qui mettrait tous les acteurs de ce secteur d’accord, ce serait qu’elle caractérise une aptitude intellectuelle supérieure à celle de la « norme ». Il y a une question en revanche sur laquelle les avis divergent : la douance est-elle innée ou est-elle la résultante d’un développement de capacités ? Voyons les principales théories sur lesquelles s’appuie la définition moderne de la douance.

La théorie de Sternberg 

Professeur de psychologie et de sciences de l’éducation, Robert J. Sternberg est parti du postulat que les tests de QI ne reflétaient pas la totalité du spectre de l’intelligence. Comme d’autres spécialistes, il estime que l’école ne valorise qu’une seule forme de douance : celle reliée au verbal et à la logique.

Sa méthode consiste donc à décrypter l’intelligence en s’appuyant sur les sciences cognitives. Selon Sternberg, la douance doit être abordée comme un ensemble de capacités. Il en distingue trois :

  • L’intelligence analytique ou la capacité à établir des plans, à prendre des décisions et à générer des solutions.
  • L’intelligence pratique ou la capacité à s’adapter dans son environnement tout en profitant des opportunités offertes.
  • L’intelligence créative ou cette capacité à apprendre de nos expériences et à reproduire une connaissance ou un comportement sans effort.

Sternberg conçoit donc la douance comme une relation de l’individu avec son environnement. Il s’agit d’analyser la manière qu’à un individu surdoué à s’adapter, à se transformer, et ce, en fonction des circonstances. D’autres scientifiques vont encore plus loin.

Le comportement doué selon Renzulli

Joseph Renzulli est un professeur et chercheur américain. Son travail porte principalement sur la détection et le développement de la douance chez l’enfant. Il a notamment développé le célèbre modèle des trois anneaux, selon lequel la manifestation de la douance repose sur trois ingrédients incontournables :

  • Les aptitudes intellectuelles supérieures à la moyenne,
  • La créativité qui développe la curiosité et l’innovation dans la pensée,
  • L’engagement ou la motivation et la détermination dans l’exécution d’une tâche.

Ces facteurs sont, selon Renzulli, la condition sine qua non à l’expression du potentiel et à l’épanouissement du surdoué. À partir de ce postulat, il est facile de comprendre que certains HPI (Haut Potentiel Intellectuel) soient en échec. 

Suite à des travaux supplémentaires, Renzulli a ajouté six facteurs à son analyse :

  • L’optimisme,
  • La passion,
  • Le courage,
  • L’empathie,
  • L’énergie physique et mentale,
  • L’autodétermination.

Il est devenu évident que la définition moderne de la douance doit prendre en compte toute cette diversité. Chaque HPI est unique et possède un potentiel qui lui est spécifique. L’enjeu est donc de permettre au surdoué de se reconnaître, tout en laissant la place à son individualité.

Existe-t-il une cartographie du surdoué ?

Non ! Il n’existe pas de profil type du surdoué. Ce postulat est d’autant plus vrai que les caractéristiques d’un individu, et notamment ceux d’un HPI, ne cessent d’évoluer. Malgré tout, théoriquement, on parle de deux profils qui sont généralement opposés : le profil laminaire et le profil complexe.

Le profil laminaire

Ce profil se caractérise par un sentiment de se sentir à sa juste place, et plus important encore, de sentir que cette place est déjà acquise. Le profil laminaire possède des capacités cognitives, relationnelles et psychomotrices d’un très bon niveau. Il ne ressent donc aucune nécessité d’imposer ou de défendre sa place. 

profil laminaire

Sans la présence de traumatisme venant freiner son évolution, le profil laminaire a généralement un parcours de vie constructif et adapté.

Le profil complexe

Sont appelées profil complexe les personnalités dites « hors norme ». Cette atypie est généralement mal vécue. On retrouve, par exemple, dans ces profils, le complexe du syndrome de l’imposteur. De nombreuses personnalités hypersensibles peuvent facilement se reconnaître dans cette catégorie, mais sans pour autant être HPI.

profil complexe

Le contexte familial représente un socle important dans la confiance et l’apprentissage des interactions sociales de ce profil. En revanche, il est important de rappeler que ces difficultés ne sont pas vécues par toutes les personnalités hors norme. De nombreux profils complexes sont très épanouis dans leurs vies sociales.

Distinguer ces deux profils a permis d’élargir les processus d’accompagnement de personnes en souffrance. Les préjugés autour de la douance sont encore très présents. Il est donc important de rappeler aussi souvent que possible que les HPI ne sont pas plus intelligents, mais qu’ils disposent d’une forme d’intelligence différente. Tout comme il est crucial de dire qu’il n’existe aucun type de douance supérieur à un autre et qu’aucun neuroatypique n’est supérieur à un neurotypique. Mais alors, comment détecter sa neurodiversité ?

Comment détecter la douance ?

À ce jour, le haut potentiel intellectuel est détecté officiellement sur la base d’un test de QI mesuré à partir de l’échelle d’intelligence de Wechsler. D’autres tests non reconnus en France se basent en revanche sur l’étude globale des schémas de développement avancés et complexes.

Les tests standardisés

Lorsque l’on parle de tests de QI, il est largement sous-entendu des tests basés sur l’échelle de Wechsler ou de Cattell.

Le test de Wechsler

Il existe trois tests à ce jour mesurés à partir de cette échelle qui vont de 0 à 160 :

  1. WPPSI (Wechsler Preschool and Primary Scale of Intelligence) qui s’adresse aux enfants de 2 ans à 7 ans et 7 mois.
  2. WISC (Wechsler Intelligence Scale for Children) qui s’adresse aux enfants de 6 à 16 ans et 9 mois.
  3. WAIS (Wechsler Adult Intelligence Scale) à partir de 16 ans et jusqu’à 69 ans et 11 mois.

Ces tests évaluent les capacités cognitives et doivent être mis à jour tous les 10 ans. Des aptitudes, telles que les compétences verbales, la mémoire de travail, le raisonnement perceptif, la vitesse de traitement de l’information sont évalués sur la base d’indices (4 à 5 selon le test).

Le test de Cattell

Ce test est répandu aux États-Unis. Il va de 0 à 180 et se constitue d’une série d’épreuves évaluant les aptitudes selon deux axes :

  • Les aptitudes fluides,
  • Et les aptitudes cristallisées.

L’intelligence fluide est identifiée par Cattell comme étant biologique et donc représentant le capital de départ. À l’inverse, l’intelligence cristallisée représente le raisonnement et le jugement d’un individu selon son expérience et son contexte social et culturel.

Les deux échelles utilisent des mesures différentes. Lorsque le test de Cattell intègre un écart type de 24 points de QI pour les scores de capacités cognitives (par rapport à un standard de 100), l’échelle de Wechsler ne rapporte que 15 points de déviation. Le test de Cattell va donc donner des résultats plus impressionnants, car les chiffres sont en réalité plus grands.

Le test de douance

Basé sur les recherches de la psychologue Mary Rocamora, le test de douance a ensuite évolué selon les travaux de divers docteurs en psychologie (Deirdre Lovecky, Francis Heylighen, Mary- Elaine Jacobsen, Linda Kreger Silverman). Ce test permet de révéler une vision singulière du monde. 

Il va déterminer les profils complexes et son champ d’analyse va au-delà du fonctionnement cognitif. Le test de douance décrypte le fonctionnement d’un cerveau HPI selon ses différents niveaux d’intensité et de sensibilité. Il ne donne aucun résultat chiffré. 

L’analyse de la douance évolue avec les recherches, mais également avec le recul des professionnels qui traitent ce sujet. Mais alors, où se situe la France par rapport à cette évolution ?

Où en est la France au sujet de la douance ?

Les premiers travaux sur le concept de l’intelligence ont presque 40 ans. La théorie triarchique de Sternberg date, quant à elle, de 1988. En d’autres termes, la douance n’est pas une réalité nouvelle. 

L’évolution ne se fait jamais dans le silence

Grâce au développement des neurosciences et la pression des personnes HPI qui souhaitent être enfin entendues et reconnues, la douance sort de l’ombre. Malheureusement, là où la recherche américaine verrait dans la mise en lumière des zèbres une opportunité de comprendre le fonctionnement d’une minorité de la population, la tendance française serait plutôt de parler du « business du surdoué ». 

Restons tout de même positifs. Des professionnels se forment à ce sujet, des livres grand public sont publiés, tous ces supports d’information permettent aux zèbres de mettre des mots sur leurs maux et d’enfin pouvoir comprendre leur fonctionnement.

Il est vrai qu’il existe encore de nombreux préjugés associés à une méconnaissance de la douance qui entravent la détection des surdoués, mais surtout la compréhension qu’ils ont de même. Il est donc clair que le chemin est encore long en France, bien qu’une évolution est clairement visible.

L’intelligence humaine : un sujet traité par les scientifiques ?

Peut-on dire que l’intelligence artificielle est un sujet plus traité que celui de l’intelligence humaine ? Une chose est sûre, le sujet de l’IA est indéniablement plus sexy ! Pour ne pas être trop défaitiste, il est important de dire que certains chercheurs ont à cœur de décrypter le HPI, et notamment, dans le cadre de la douance chez les enfants. D’autres étudient sa relation à divers facteurs, tels que l’autisme*, le syndrome d’Asperger**, les troubles anxieux chez l’enfant***, etc. Justement, ces notions se confondent souvent avec celle de la douance.

Quelle différence entre douance, hypersensibilité, autisme ?

douance

Douance, hypersensibilité, haut potentiel émotionnel, trouble du spectre de l’autisme, syndrome d’Asperger, plusieurs termes entrent en jeu lorsque l’on parle de neurodiversité.

Différencier la douance des troubles de la personnalité et des maladies mentales

L’hypersensibilité et la douance ne sont pas un trouble de la personnalité ni reconnues comme étant des maladies mentales. Ils sont donc peu connus de la médecine et plus précisément de la psychiatrie, ce qui explique la tendance aux mauvais diagnostics tels que borderline ou bipolaire chez les personnes surdouées. L’autisme quant à lui est un trouble neurodéveloppemental, c’est pourquoi il est reconnu comme un handicap depuis 1996.

Hypersensibilité ne signifie pas douance

Oui, on peut être hypersensible et pas surdoué, tout comme on peut être HPI et pas hypersensible. Il est donc clair ici que pour faire cette distinction, l’accompagnement par un professionnel qualifié est crucial. De la même manière, il est primordial que les professionnels soient formés à cette neurodiversité.

Il existe également un autre point où la douance doit être appréhendée différemment : selon le sexe du surdoué. 

La douance chez les femmes : les particularités

Si on résume la douance au quotient intellectuel, il est évident qu’il n’existe pas de distinction entre homme et femme. En revanche, grâce à la définition moderne du HPI, il est désormais reconnu que la présence de certains facteurs exacerbés chez la femme exige d’observer le haut potentiel intellectuel féminin sous un prisme différent. Dans ces facteurs, on retrouve les particularités suivantes :

  • L’hypersensibilité,
  • Un sens aigu de l’empathie,
  • Un sentiment de différence,
  • Un modèle qui tend à être plus effacé,
  • L’hyperactivité cérébrale et l’hyperémotivité,
  • L’excitabilité,
  • Le perfectionnisme,
  • Etc.

Les femmes sont considérées comme moins logiques, elles ont tendance à moins se révolter et à privilégier le statut social et la famille plutôt que les études. En d’autres termes, les particularités de la douance au féminin se définissent par le regard même de la société, mais également par leur biologie. 

Certains se plaignent de ce coup de projecteur sur les zèbresses. D’autres disent que le HPI est devenu le super héros des temps modernes. Tout le monde voudrait « devenir » zèbre. Alors, peut-on parler d’une mode des rayures ?

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Le zèbre est-il à la mode ?

Il y a une urgence à informer sur le sujet de la douance, bien plus que de parler d’effet de mode. Il y a en effet la réalité quotidienne des personnes qui tentent de comprendre comment elles fonctionnent à prendre en considération. Sans nier l’existence de mauvaise analyse, voire d’auto-analyse, la multiplication des sources d’information sur la douance ne serait-elle pas une opportunité d’évolution pour les zèbres ? Est-ce que l’enjeu ne serait pas plutôt d’inciter les individus à se poser des questions ? Et si nous laissions, chaque individu décider de son propre processus de connaissance de soi ? Alors, non, le zèbre n’est pas à la mode, le zèbre est en plein décodage.

La douance en bref

La douance n’est pas un sujet nouveau. Il sort de l’ombre grâce au développement des neurosciences et la ténacité des différents acteurs du domaine. L’analyse a évolué et permet aujourd’hui de prendre en compte l’intelligence sous toutes ses formes. L’information est à ce jour l’outil le plus puissant à la détection et à la compréhension du fonctionnement du HPI. La recherche française est loin des avancées connues par le monde scientifique étranger, comme celui des États-Unis par exemple. Malgré ce décalage, les mentalités changent.


Décider consciemment de sortir des modèles sociétaux tels qu’on les connaît n’est vraisemblablement pas un choix anodin. Parler d’un effet de mode réduirait ce désir profond de connaissance de soi à un acte presque banal, parce que ne l’oublions pas, décider de détecter sa douance est un acte courageux ! Alors, continuons à parler des zèbres, même si le sujet dérange et fait grincer des dents. N’arrêtons pas de mettre la lumière sur la femme surdouée, c’est de cette façon que l’on parvient à changer les mœurs.

Sources :

* Riccioni A, Pro S, Di Criscio L, Terribili M, Siracusano M, Moavero R, Valeriani M, Mazzone L. Autisme à haut potentiel intellectuel et à haut fonctionnement : caractéristiques cliniques et neurophysiologiques dans un échantillon pédiatrique. Cerveau Sci. 3 décembre 2021 ;11(12):1607. doi : 10.3390/brainsci11121607. PMID : 34942909 ; PMCID : PMC8699491.

 ** Boschi A, Planche P, Hemimou C, Demily C, Vaivre-Douret L. Du Haut Potentiel Intellectuel au Syndrome d’Asperger : Preuve des Différences et un Chevauchement Fondamental – Une Revue Systématique. Avant Psychol. 2016 octobre 20;7:1605. doi : 10.3389/fpsyg.2016.01605. PMID : 27812341 ; PMCID : PMC5071629.

*** Kermarrec S, Attinger L, Guignard JH, Tordjman S. Troubles anxieux chez les enfants à haut potentiel intellectuel. BJPsych ouvert. 6 juillet 2020;6(4):e70. doi : 10.1192/bjo.2019.104. PMID : 32627729 ; PMCID : PMC7443907.