Audrey Hernandez

Vous vous sentez démotivé au travail ? Peut-être même épuisé ? Ou avez-vous complètement perdu tout intérêt à effectuer vos tâches professionnelles quotidiennes ? De plus en plus de personnes se sentent déçues par leur travail. En cause, une perte de sens ou une inadéquation avec les valeurs de leur entreprise. Cet état est souvent vécu comme une fatalité. Or, en s’amplifiant, il peut potentiellement amener jusqu’au brown-out et c’est ce que je vais vous expliquer ici.

Au sommaire :

  1. Qu’est-ce que le brown-out ?
  2. D’où vient ce mal du travail ?
  3. Comment redonner du sens à son activité professionnelle ?
  4. Pourquoi faut-il arrêter d’idéaliser l’entrepreneuriat ?

Qu’est-ce que le brown-out ?

On le traduit littéralement par « baisse de courant ». Le brown-out c’est en fait lorsque le travail perd tout sens. Ce phénomène n’est pas nouveau. Il suffit de s’intéresser au nombre de micro-entreprises qui se créent chaque année ou encore de la tendance à la mobilité professionnelle pour se rendre compte que nous sommes de plus en plus nombreux à éprouver le besoin d’apporter du changement dans nos jobs.

Le brown-out c’est donc le signal que son quotidien professionnel ne convient plus. Ce qui se traduit par une perte totale d’intérêt à exécuter les tâches et missions inhérentes à son poste. Pire, c’est le sentiment d’être inutile. Résultat ? Une baisse de confiance et d’estime de soi, associée à une fatigue croissante. 

Cette « baisse de courant » physique et mentale est plutôt difficile à identifier. Exécuter des tâches qui paraissent sans intérêts et de manière répétitive est en effet le quotidien de nombreuses personnes. Il faut bien remplir le frigo et payer les factures, c’est un fait ! Mais à quel prix ? 

D’où vient ce mal du travail ?

Il y aurait plusieurs manières de répondre à cette question. Ici, on va choisir de s’intéresser à la dynamique morale de notre économie actuelle et plus précisément à ce que David Graeber, anthropologue américain, a appelé « On the Phenomenon of Bullshit Jobs » ou « le phénomène des métiers à la con ». 

Une conséquence de notre société moderne

Si on met de côté la tendance provocatrice de David Graeber dans le choix du nom qu’il a donné à ce phénomène, on peut voir qu’il décrit plutôt bien notre société actuelle. L’anthropologue commence en effet sa réflexion en rappelant la prédiction de John Maynard Keynes. En 1930, cet économiste anglais prédit qu’à la fin du XXe siècle des pays comme le Royaume-Uni ou les États-Unis passeraient à une semaine de travail de 15 heures, et ce, grâce à l’avancée des technologies. 

Toutes les preuves étaient réunies pour que ce changement se réalise. Or, on peut aujourd’hui dire que Keynes a eu tout faux ! Il a en effet omis un petit détail : l’évolution de nos modes de vie et notre tendance à en vouloir toujours plus ! C’est bien le consumérisme qui a empêché l’utopie de Keynes de se matérialiser. Mais alors, quel est le lien avec le travail et le brown-out ?

La valeur sociale de nos métiers

Les « Bullshit Jobs » pointés du doigt par Graeber sont ces métiers qui ont été, selon lui, inventés dans le but de continuer à nous faire travailler. Il cite par exemple les « industries de “service”, mais aussi du secteur administratif, et la création de nouvelles industries comme les services financiers, le télémarketing, ou l’expansion sans précédent de secteurs comme le droit corporatiste, les administrations universitaires et de santé, les ressources humaines ou encore les relations publiques. ». 

Il explique ainsi que même si aujourd’hui il est possible de travailler moins, ce phénomène reflète en réalité la dynamique même de notre économie. Une autre dynamique consiste à penser que « plus un travail bénéficie ouvertement aux autres, moins il sera payé ». La valeur du travail est donc sans cesse remise en cause, et ce à toutes les échelles. 

Son constat est le suivant : la façon dont les individus mesurent la valeur sociale de leurs activités professionnelles agit, lorsqu’elle est vue de manière négative, comme une « profonde violence psychologique ». Concrètement, les personnes concernées ici sont celles qui jugent leurs métiers inutiles ou qui ont choisi leur voie professionnelle à défaut d’autre chose. Bref, de toutes celles qui ne trouvent aucun sens à leur travail. On en arrive donc à la source du brown-out.

Mais alors, comment inverser cette tendance ? Est-il possible de (re) donner du sens à sa vie professionnelle après avoir passé 10,15 ou même 20 années au même poste ? 

Comment redonner du sens à son activité professionnelle ?

brown out

Déconstruire pour reconstruire. Souvent, lorsqu’on se sent bloqué dans une situation, c’est qu’elle vient résonner avec des croyances bien collées « à nos os ». Alors oui, il est incontournable d’aller voir ce qu’on ne veut pas voir.

D’autre part, puisque le brown-out vient réveiller un besoin de sens, il questionne de la même manière nos valeurs et donc nos besoins. Quelles sont mes valeurs ? Sont-elles en adéquation avec celles de mon entreprise ? 

Dans un monde idéal, il est facile de répondre à toutes ces questions. En pratique, nos réponses nous apparaissent brusquement lorsque nous sommes heurtés par une situation au travail.

La démission, le travail indépendant, le portage salarial, de nombreuses options existent aujourd’hui et elles viennent toutes bousculer le modèle traditionnel du travail. En réalité, aucune d’elle n’est réellement efficace sans un véritable travail de réflexion sur soi et donc sur ses besoins.

Pourquoi faut-il arrêter d’idéaliser l’entrepreneuriat ?

L’entrepreneuriat est aujourd’hui un modèle de « liberté », d’épanouissement et même d’empowerment. Oui, il a révolutionné notre rapport au travail et plus précisément notre pouvoir d’action. C’est un fait indéniable. Il est toutefois beaucoup trop idéalisé. Il devient même la réponse à toutes les remises en question professionnelles.

Or, l’entrepreneuriat n’offre pas plus de liberté, mais plus d’autonomie, ce qui fait une énorme différence. C’est une manière, parmi tant d’autres d’ailleurs, de choisir et d’assumer ses contraintes. Il est donc possible de travailler en totale autonomie sans trouver de sens à son activité. 

Voir l’entrepreneuriat comme une réponse miracle, c’est un peu comme donner des baguettes et une batterie à tout le monde et s’attendre à ce qu’ils fassent tous un solo à la Moby Dick de Led Zeppelin ! Non, ça demande du temps, du travail, de l’énergie et beaucoup de volonté. Et tout ça ne donne un résultat concluant qu’à condition que l’on y trouve du sens.

Ce qu’il faut retenir sur le brown-out

Le Brown-out se traduit par un épuisement causé par une perte de sens au travail. Même si ce phénomène n’est pas nouveau, il vient aujourd’hui questionner la structure même de notre vision du monde professionnel. Donner du sens à son métier nécessite un véritable travail de fond sur soi. Il n’existe pas de réponse standard et encore moins de modèle qui serait plus propice au bien-être que d’autres. Certains aspirent à travailler 3 ou 4 heures par jour, d’autres le double voire le triple. Le bien-être ne s’acquiert pas selon une tendance générale, mais bien par un retour à soi. Et si nous commencions par nous écouter ?

Sources :

Le brown-out, quand le travail n’a plus aucun sens, Dr François Baumann

Du phénomène des jobs à la con, David Graeber

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