Audrey Hernandez

Comprendre le syndrome du sauveur pour s’en libérer

Un besoin viscéral d’aider, mettre ses propres besoins de côté pour assouvir ceux des autres ou encore aller à la rescousse de quelqu’un pour se sentir bien, c’est bien comme ça que les psychologues détectent le syndrome du sauveur. Syndrôme, car loin d’être une maladie ou un trouble, ce terme implique un rôle que la personne concernée endosse de manière totalement inconsciente. Alors, de quoi s’agit-il concrètement ?

Au sommaire : 

  1. Qu’appelle-t-on syndrome du sauveur ?
  2. Comment reconnaître le syndrome du sauveur ?
  3. Focus sur le triangle de Karpman
  4. Comment se libérer de ce syndrome ?

Qu’appelle-t-on syndrome du sauveur ?

Le syndrome du sauveur n’est pas un trouble mental répertorié dans le DSM V (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Ce fait est important à rappeler, car tout ce que nous savons aujourd’hui sur ce sujet nous vient d’études cliniques réalisées par des psychologues ou des psychanalystes.

Une définition apportée par la psychologie

Le syndrome du sauveur n’est donc pas un terme clinique impliquant un diagnostic ou des symptômes identifiables. Les psychologues le définissent toutefois ainsi : 

  • Un besoin viscéral d’apporter son aide à quelqu’un.
  • Le fait de toujours faire passer les autres avant soi.
  • Une forte dépendance affective.
  • La présence d’une insécurité émotionnelle.

En amour, ce syndrome favoriserait les enchaînements de relations toxiques. Il est également appelé codépendance, car il pousserait les personnes concernées à rechercher des partenaires « vulnérables ».

Le syndrome du sauveur est souvent, et à tort, associé à de l’extrême altruisme. Or, il s’agit de bien distinguer ces deux notions et donc de différencier le fait d’aider les autres et celui de le faire, mais à ses dépens.  

Un autre mal du siècle ?

Le syndrome du sauveur n’a jamais fait l’objet d’étude scientifique. Les rapports de psychologues, de cliniciens, de psychanalystes sont pourtant nombreux. Les témoignages existent et nous pourrions certainement tous connaître au moins un chevalier Lancelot ou une Wonder Woman dans notre entourage. 

On pourrait certainement dire que notre société de marché basé principalement sur l’intérêt personnel aurait bien besoin de preux chevaliers, mais à quel prix ? Le héros tragique n’a plus rien de sexy désormais. L’avènement du développement personnel a en effet incité à une remise à zéro de nos modèles.

Comme tous mécanismes inconscients, la problématique du syndrome du sauveur est qu’il se manifeste hors de la conscience. Alors, comment le reconnaître concrètement ?

Comment reconnaître le syndrome du sauveur ?

Ce syndrome concerne aussi bien les hommes que les femmes et se manifeste dans tous les pans de vie (sentimental, professionnel ou relationnel). 

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Les signes 

Voici quelques signaux décrits par Raphaëlle de Foucauld, praticienne en psychologie positive : 

  • Se sentir responsable de la vie de l’autre,
  • Penser mieux savoir ce qui est bon pour l’autre,
  • Toujours faire passer les besoins de l’autre avant les siens,
  • Être déjà resté dans une relation par peur d’abandonner l’autre,
  • Dans une relation, avoir tendance à toujours secourir l’autre,
  • Avoir l’impression de manquer de reconnaissance pour tout ce que l’on fait pour l’autre.

Ces signaux sont significatifs s’ils forment un schéma de répétition. Ce besoin de l’autre, de se sentir indispensable, est un paramètre clé qui nourrit le syndrome du sauveur. Même si les intentions sont généralement bonnes au départ, la relation est déséquilibrée, car l’aide apportée est bien souvent non sollicitée et donc non officielle.

Les causes

Les experts situent la source du syndrome du sauveur dans une blessure narcissique. Voici quelques éléments déclencheurs : 

  • Le sentiment d’avoir été abandonné ou rejeté,
  • L’impression d’avoir aimé sans retour,
  • Le fait d’avoir vécu une situation humiliante,
  • Ou d’avoir subi toutes formes de violence.

Le syndrome peut se développer aussi bien durant l’enfance qu’à l’âge adulte. Généralement, ce sont des enfants qui ont dû endosser le rôle de parents après de la fratrie, par exemple. Les adultes concernés par ce syndrome ont un besoin viscéral de se sentir valorisés. Ils existent principalement au travers des autres. À cause d’une très faible estime de soi, l’aide qu’ils apportent aux autres leur permet de redorer un peu l’image qu’ils ont d’eux-mêmes.

Focus sur le triangle de Karpman

C’est le célèbre triangle de Karpman qui a mis en lumière la fonction du sauveur. Appelé également le « triangle dramatique », il est issu de l’analyse de Stephen Karpman, psychiatre américain. Son but ? Comprendre le dysfonctionnement des relations humaines.

Les 3 fonctions du triangle de Karpman

Dans ce modèle, on ne parle pas de personnes, mais de fonctions. Il y en a donc 3 : 

  1. Le persécuteur, celui qui fait la violence,
  2. Le sauveur, celui qui soigne la violence,
  3. Et la victime, celui qui subit la violence.

Inutile d’être plus de deux pour entrer dans le modèle et les rôles se distribuent de manière constante. Ils sont tous considérés comme négatifs et comme nous l’avons vu, ils se jouent à l’insu des personnes concernées.

Le sauveur : rôle préférentiel

Dans le triangle de Karpman, une victime va donc entrer en contact avec un persécuteur et un sauveur. Les rôles sont interchangeables. Selon les experts du sujet, chaque personne aurait un rôle préférentiel qui serait influencé par son environnement familial.

Le rôle du sauveur fonctionne donc selon le triangle Karpman et les relations qu’ils nouent sont souvent toxiques. Il existe d’ailleurs 3 sous profils du sauveur : 

  • Le sauveur abîmé qui a un besoin constant d’être admiré,
  • Le sauveur empathique qui a une peur viscérale d’être abandonné,
  • Le sauveur terrorisant qui va tout faire dont la manipulation et le contrôle physique et/ou émotionnel pour ne pas être abandonné.

Quel que soit le mécanisme, le sauveur pense recevoir amour, reconnaissance et attention en échange d’un allègement de la souffrance de l’autre. Mais alors, face à ce déséquilibre relationnel, comment sortir de ce jeu de rôle et retrouver son pouvoir ?

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Comment se libérer de ce syndrome ?

Comme nous l’avons vu, les enjeux de ce syndrome sont inconscients. La première étape est sans surprise de prendre conscience de ce rôle. De la même manière, puisqu’il tire sa source dans une blessure, l’aide d’un professionnel est presque indispensable. Comprendre les causes profondes et les mécanismes en place est un moyen efficace de s’en libérer.

Parce que l’estime de soi est un élément central du syndrome du sauveur, il apparaît comme le point primordial à travailler. Mettre en lumière ce dysfonctionnement relationnel implique de se reconstruire, car il était jusque-là le socle qui maintenait toutes nos relations. Cela suppose donc de se redécouvrir en dehors de ce schéma et d’appréhender d’une manière totalement inédite les interactions sociales. Une manière donc où manipulation, chantage et jeu de pouvoir ne sont plus requis.
Finalement, le meilleur moyen de se sortir du syndrome du sauveur serait de se tourner vers la meilleure relation que l’on puisse avoir : celle que l’on entretient avec soi-même. Concrètement, cela signifie d’écouter ses besoins, de poser ses limites et de devenir conscient de nos mécanismes de défense. Garder une distance saine avec les « problèmes d’autrui », en d’autres termes de ne pas intervenir lorsqu’une aide n’est pas sollicitée, permet d’entretenir non seulement des relations plus équilibrées, mais également de laisser à l’autre (et à soi) la responsabilité de ses propres actions.